lundi 24 septembre 2012

176 Le fouet, instrument d'éducation au couvent et à l'école


Titre de chapitre pour le moins qu'on puisse dire accrocheur, extrait d'un livre (publié entre 1908 et 1928) et qui traite les Mœurs intimes du passé et notamment comme indique le sous-titre les

« Usages et coutumes disparus »

Tiens donc, la fessée... une coutume disparue à l'aube du 20ème siècle ? Cela se saurait, non !

J'apprécie particulièrement la beauté du langage. Quelle modernité de la pensée ! Bien que l'argumentaire se base sur les effets secondaires de l'éducation dite traditionnelle, ce texte fait mieux que la plupart des argumentations actuelles.


            Le fouet, instrument d'éducation au couvent et à l'école


Si le hasard d'une flânerie dirige vos pas vers le Quartier latin, engagez-vous, en partant du Luxembourg, dans la rue qui porte le nom d'un chimiste célèbre, et faites halte devant un monument de modeste apparence, dont la façade n'engage guère à franchir le seuil et qui mérite cependant une visite. 

Tenez-vous à vous documenter sur les méthodes d'éducation en usage dans les différents pays, aux temps passés et présents, vous serez servi à souhait, rien qu'à promener vos regards sur les gravures qui ornent les murs du vestibule : en quelques minutes, vous aurez mesuré l'abîme qui sépare le monde moderne de l'ancien monde. 

Jusqu'à la veille du vingtième siècle, en effet, le paquet de verges a fait partie du mobilier scolaire. Il y a quelques années à peine que le fouet n'est plus l'ultima ratio du maître d'école, et nous ne jurerions pas que, dans certains villages du Languedoc, où malgré les voies ferrées, la civilisation n'a pas encore pénétré, on ne désigne encore l'instituteur sous le nom injurieux, mais combien pittoresque, de fouette-c. (le mot patois a une saveur particulière). Aujourd'hui, au moins dans nos écoles françaises, on a renoncé à ce mode de coercition ; et pourtant, est-il si éloigné le temps où l'on aurait cru déroger à une tradition, en n'employant pas la férule ou le martinet ? Était-il, au demeurant, si efficace, ce traitement, par les châtiments corporels, d'une enfance vicieuse ou indisciplinée ? N'allait-on pas, de la sorte, à rencontre du but poursuivi , et à vouloir redresser un caractère mal façonné, ne risquait-on pas d'éveiller le vice qui sommeillait ? 

Cette considération n'avait pas échappé à la sagacité d'un théologien, qui fut en même temps docteur en médecine :


« La fustigation ou flagellation, écrivait le père Debreyne, peut avoir un résultat bien différent de celui qu'on en attend. Il est donc très important de faire disparaître des écoles et du foyer domestique ce genre de punition, à la fois indécent, flétrissant et dangereux pour les mœurs. » 


Aurions-nous l'imagination plus perverse que nos ancêtres, en leur supposant de malignes pensées? Ou faudrait-il croire qu'un vent de sadisme ait soufflé sur la pauvre humanité pendant tant de siècles ? Assurément, les intentions du plus grand nombre étaient pures, mais combien de brebis galeuses devaient se mêler au troupeau !


Source : Mœurs intimes du passé ; volume VI ; Augustin Cabanès.1908 à 1928


2 commentaires:

  1. Les brebis galeuses ont dû bien profiter... Et elles ne manquaient pas d'imagination! D'ailleurs, à en croire Jean-Claude Caron, historien contemporain ("A l'école de la violence. Châtiments et sévices dans l'institution scolaire au XIXe siècle", Aubier, 1999) la fessée n'était déjà au XIXe (trop impudique? Ou trop domestique?) pas la punition la plus répandue, même dans les écoles les plus violentes, où l'on préférait obliger les coupables à s'agenouiller et embrasser la terre... Malheureusement, les sévices qu'évoque l'auteur, sans complaisance dans le glauque, font rarement fantasmer. Mais, quand on est aux usages d'antan, connaissez-vous le Pechvogel? Je l'ai vu mentionné quelque part sur le net: c'était un chiffon que le maître jetterait à l'élève coupable, obligé de le rapporter et subir sa punition à cette occasion, dans les écoles allemandes et hollandaises, si mon souvenir incertain est bon. Là, en revanche, il y aurait de la matière pour broder quelques scènes...

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  2. Merci pour votre complément d’enquête, Simon. Je n'ai jamais entendu de cette coutume du « Pechvogel ». Le mot m'est familier. Il vient d'une technique de chasse au moyen âge : enduire des branches d'arbre avec un goudron collant (le pech) et l'oiseau (vogel) qui n'arrive pas à décoller c'est le Pechvogel car il se fait attrapper. Alors oui je vois bien le caractère punitif du pechvogel à l'école, c'est un peu comme être obligé d'apporter soi-même le martinet.

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