(Suite de : 491
Nos rituels du coin 1.1)
Devenir
un cul rouge !
Rotrasch, traduit par cul rouge, est un
terme allemand pour designer les apprentis soldats, les recrues donc
et dès que je l'ai entendu pour la première fois, mon imagination
s'est mis route. Entre petites histoires sous ma couette et rêveries
aux yeux ouverts pendant mes cours, j'ai mené pas mal de vies de
Rotarsch. Recrue parmi tant d'autres dans un bataillon de Rotärsche
pour un strafexerzieren (entraînement punitif). On voit facilement
la scène, une petite troupe de jeunes femmes en train de parader les
fesses en l'air avec une instructrice la baguette en main. C'est
d'ailleurs l'instructrice qui se charge de faire honneur à
l’appellation en sanctionnant chaque faux pas par une sifflante
claque.
En ressort que si j'aime être
corrigée, ce n'est pas en premier lieu pour me prêter à un mignon
jeu entre adultes. Il y a à mon goût plus mignon pour ainsi dire !
L'aspect récréatif intervient plutôt accessoirement pour pimenter
un besoin de discipline... de nature compulsive. Il m'importe
beaucoup que mes punitions me profitent réellement dans ma vie
quotidienne. Une fois punie, il en va de soi que pour me rendre au
coin, je préférerais - malgré une sacré brûlure dans mes fesses
- afficher une allure qui sauve la façade. La volonté y est… à
tête reposée. Sur le coup c'est une toute autre affaire. Alors un
jour je me suis dit que peut-être un entraînement de rigueur, digne
d'une « cour de caserne » me ferais du plus grand bien.
J'aime bien appeler les choses par leur nom. Même si j'ai pu
constater à maintes occasions dans ma vie que l'expression « cours
de caserne » choque certaines personnes. Peut-être parce
qu'elles associent un penchant pour un règlement strict à une
limitation de capacités intellectuelles.
Mon idée a fortement plu à mon chéri
- d'où sa phrase, citée dans la première partie de ce billet :
Aller
dignement au coin s'apprend, isabelle !
Nous avons donc commencé à travailler
un cérémoniel pour aller au coin. Inutile de dire qu'il n'est pas
évident de marcher de manière élégante et fluide avec une culotte
autour des chevilles et comme bonus (chicane supplémentaire) une
jupe droite troussée autour des hanches. C'est mission impossible.
Pourtant en instructeur improvisé, mon homme a passé beaucoup de
temps pour me faire essayer et exécuter de différents pas. Il s'y
croyait vraiment et moi j'avais des frissons partout en entendant sa
voix, adapté à l'emploi, me donnant des commandements. Ce goût
pour la marche au pas date de mon adolescence et j'ai passé
plusieurs années de mon adolescence, voire de jeune adulte dans une
troupe de danse.
Voila pour dire - des deux côtés -
que parfois la DD a bon dos et peut servir de prétexte pour y
incorporer d'autres fantasmes. Le tout consiste de s'en rendre compte
quand on commence à glisser sur des terrains trop ludiques. De dire
stop, là nous ne sommes plus dans la DD. Ce qui n’empêche pas de
laisser libre cours à sa fantaisie et de réaliser ce qui nous passe
par la tête.
J'ai vu alors un grand garçon, mon
chéri quoi, mettre en scène un de ces fantasmes farfelus que l'on
juge irréalisable. Déjà, sur un point de vue technique, mon homme
ne possède aucun talent de chorégraphe et quand au sens du rythme
c'est encore pire. Le pauvre, malgré une bonne volonté, il n'est
pas un cadeaux pour les danses de salon. Alors il est clair qu'un
fantasme de diriger une troupe de jolies filles style Crazy Horse
était destiné de rester un fantasme. A moins de trouver sur une
fille qui aurait aimé faire le Crazy Horse, mais qui n'avait pas la
bonne taille.
Très vite mon narcissisme et mon
ambition se sont invités à l’exercice. Je me sens extrêmement
flattée d'apprendre à mieux me mettre en scène. Très flattée
aussi quand quelqu'un passe beaucoup de temps pour m'apprendre
quelque chose. Je peux développer à ce niveau un véritable
acharnement avec goût pour l'effort et fréquentes séances de
répétition. Et j'en redemande.
Chéri,
tu m'apprends encore à marcher au pas. Et n'oublie pas ta baguette !
Bref mon homme était aux anges avec
une élève aussi motivée. J'ajoute comme déjà dit ailleurs outre
que mon narcissisme, je me trouve devant une particularité de mon
corps, de mon entrejambe plus exactement qui récompense mes efforts
par de fortes sensations bien agréables. Voila donc une
transcription toute personnelle de la fameuse expression « la
danse dans la peau » ou pour citer l'étonnement de mon chéri
en voyant les effets du « drill » (car n'oublions pas,
cela se passe avec la culotte aux chevilles) sur moi :
On dirait que
tu es faite pour marcher aux pas, isabelle !
Malgré d'innombrables entraînements,
pour aller au coin je ne fais finalement pas meilleure posture
qu'avant !
Peut-être
la poésie du coin consiste tout simplement dans le fait de ne pas
faire bonne posture ?